« Yes sir »… un article extrait de Jumièges-Infos-Seniors

Jumièges-Infos-Seniors

Jumièges-Infos-Seniors est le bulletin que publie l’Amicale des Retraités de Jumièges. Cette publication est, certes, modeste mais il répond à l’article des statuts qui définit les buts de l’association. Les quatre membres de l’équipe rédactionnelle essaient de répondre au mieux aux besoins des seniors. Ils tiennent également une rubrique parlant de l’histoire de Jumièges, surtout connue pour son abbaye : « La plus belle ruine de France » affirmait Victor Hugo.

Chaque numéro donne le compte rendu d’une interview réalisée près d’une personnalité : Christophe Bouillon, député, Pierrette Canu, conseillère départementale (jadis appelée conseillère générale), Catherine Morin-Desailly, sénatrice, le docteur Michel Bersin, jeune retraité, Line Bettencourt, professeure des écoles honoraires… dont l’interview sera publiée dans le n°6 dont la publication devrait avoir lieu début janvier 2019.

Voici ce qui paraîtra très prochainement :            

Dans notre précédent Jumièges-Infos-Seniors, nous avions donné le compte-rendu de l’interview du docteur Michel Bersin. La place manquait pour vous indiquer ce qu’il nous avait commenté concernant les virus et leur développement. L’un des rédacteurs a présenté cette histoire de Virus de façon… un peu humoristique :

« Yes, Sir ! »

Vous pensez être en compagnie des célèbres Tontons flingueurs ? Pas du tout ! Même si la célèbre réplique du majordome vous rappelle ce film culte. Vous ne le savez sans doute pas, mais sa très gracieuse Majesté m’a anobli, moi, le minable virus.

 J’étais à Londres, peut-être dans la City, lorsqu’est passé un personnage plutôt rondelet, un cigare au bec et une bouteille de vieux whisky à la main. L’homme m’a plu et je me suis agrippé à lui. Ne me demandez pas comment j’ai fait… car je l’ignore.

Winston Churchill m’a emmené chez la Reine et, fatigué par les rasades qu’il ne manquait pas de s’octroyer, usé par les bouffées de fumée que le Vieux Lion décochait aux passants, j’ai été contraint de choisir entre Élisabeth et lui. Une dame très distinguée et qui présente deux avantages qui m’ont subjugué : je ne l’ai jamais vue un cigare dans une main et une bouteille de whisky dans l’autre.

J’ai abandonné ce cher Winston et ai convolé en justes noces avec la Reine. En réalité, je me suis installé dans un vase afin de la contempler tout à loisir.

Tout le monde sait qu’elle est un peu radine. Savez-vous qu’elle a eu le toupet d’offrir une visite gratuite et commentée de ses appartements royaux à son personnel. Lesquels gens de maison avaient été contraints de faire des heures supplémentaires quand les appartements et la bibliothèque avaient failli être dévastés par un incendie. C’étaient là sa façon de les remercier !

J’ai observé la Reine pendant une quarantaine d’années. J’étais seul. Et après quarante années de séjour, devinez combien nous étions, dans le vase de Sèvres dont est très fière sa très gracieuse Majesté ?

Vous ne voyez pas ? J’étais toujours seul. Je m’ennuyais un peu. C’est le destin des virus que de subir le célibat.

Me reproduire ? Par scissiparité ? Je sais ce qu’est ce mode de reproduction mais je suis totalement incapable de réaliser cela. Quoi ? « Je suis intelligent ? ». Je le sais bien. On m’a toujours dit que j’avais un QI à faire pâlir de jalousie les « bac + 12 ».

Eh oui ! J’ai fait appel à mon intelligence… et j’ai trouvé un truc. Ne le répétez pas, ça pourrait m’attirer les foudres du Conseil de l’Ordre des Médecins français… Voilà ce que mon imagination délirante a concocté :

Mon premier : je suis allé me fourrer dans le gros intestin de sa très gracieuse majesté.

Mon deuxième : j’ai longuement observé autour de moi. J’ai vu passer du caviar, des caramels (La Reine a un faible pour les caramels mous !), des vins fins de Bordeaux et de Bourgogne (comme le château Grillet à 850 € la bouteille, et la Romanée-Conti… qui dépasse 10 000 € !). Jamais de cassoulet (elle a tort, c’est un régal) … mais il y a eu parfois des tripes à la mode de Caen (délicieuses)… Et du vacherin !

Tout cela pour entretenir ma forme.

Mon troisième : j’ai bien regardé les cellules, la plupart d’entre elles ne me disaient rien qui vaille. Mais, un jour…

Mon quatrième : j’ai vu arriver vers moi une gentille petite cellule. Un genre angelot ! Je me suis dit : vas-y mon garçon, saisis ta chance… Et je me suis insidieusement installé dans la pc (la petite cellule).

Mon cinquième : Ceux qui me connaissent savent que je n’ai pas ma langue dans ma poche. Et que, pendant 40 ans, à rester observer les grands de ce monde, j’ai beaucoup appris des diplomates. Mais non, pas les cigares de Winston ! Les di-plo-ma-tes !  Celles et ceux qui travaillent dans la diplomatie. J’ai commencé un grand discours et elle m’a écouté. Voici ce que je lui ai servi : « Belle cellule – oui, c’est flatteur – belle cellule, je suis installé chez toi, je ne suis pas bête du tout, mais j’ai un gros souci : je ne sais pas… me reproduire. Toi qui fabriques tout si vite et si bien, regarde comment je suis « échafaudé ». Tu as vu ? Essaie de fabriquer mon frère jumeau… »

Mon sixième : calmement, méthodiquement, elle a fait de moi un autre moi-même… et elle a réussi… Elle avait tout juste terminé… et la Reine avait 40 de fièvre.

Mon septième : ma petite cellule s’en est donnée à cœur joie. Ce n’est pas 1 virus qu’elle a fabriqué… mais des milliards. Car, quand elle est en route, elle a du mal à s’arrêter… Au point que mes frangins ont fait un tour dans Buckingham Palace… et que domestiques et patrons sont tous monté à 40°. Comme les 40 années passées avec ce brave Winston. Que de malades à soigner !

Allez savoir pourquoi, après une semaine d’activité, mes copains virus ont faibli, au point de devenir presque inoffensifs. Presque seulement… Il n’y a pas que Buckingham dans la vie !

Mon huitième : qui a soufflé à sa très gracieuse Majesté l’histoire de ma rencontre avec la petite cellule ? Elle a trouvé cela très romantique… et m’a anobli, au grand désespoir de l’entourage royal.

Je suis devenu Sir Virus.  Et j’ai transmis le récit de mon histoire abracadabrantesque… à tous mes copains virus.

Alors, si vous entendez « Yes Sir », vous penserez à moi.

Épilogue

L’Ordre des médecins n’a pas apprécié le fait que je sois ainsi distingué. La guerre est déclarée. J’ai appris que des chercheurs, impuissants à faire taire les virus, mais bien au courant du stratagème que j’avais utilisé pour être reproduit, tentent de trouver un moyen de barrer la route à tous les virus, anoblis ou non, qui essaieraient de s’installer à l’intérieur d’une petite cellule. Pas très drôle, cette idée !…

Vivrai-je assez longtemps pour entendre de nouveau « Yes sir » ?

Vous connaissez le « 1 » ?

C’est un peu par hasard que j’ai découvert le « 1 ».

« A une époque où la presse écrite continue son déclin, il faut saluer ce nouveau magazine qui se lance courageusement à la recherche des lecteurs égarés sur la Toile ou déçus par l’offre actuelle. Lancée par Éric Fottorino, ancien directeur de la rédaction du Monde, cette publication tourne autour d’une thématique unique, cette semaine « La France fait-elle encore rêver ? ». Cette entrée en matière est signée par Serge Escale, sur Mediapart, et date déjà du 14 avril 2014.

Imaginez une feuille de 82 cm sur 61 cm, pliée en quatre, et qui aborde un thème unique ; En vrac, en voici quelques-uns : « Demain, tous à vélo ! », « Comment sauver les profs », « Esclavage, ça se passe près de chez vous », « Brésil, une démocratie en péril », « Plastique, peut-on vivre sans ? », « L’Amérique contre l’Amérique », « Collège des Bernardins, incubateur d’espérance », « Chanson française », « Le traité de Versailles, un nouveau monde », « Voyage en utopie », « La finance est-elle encore notre ennemie ? », « Iran, le grand chantage », « Comment faire renaître la gauche », « Macron contre Macron »,.

Un régal ! On en redemande. Je me suis abonné. Je prends cela comme un souffle frais qui arrive chaque semaine. Chacun des numéros donnent la parole à des spécialistes, des experts même, un dessinateur, une femme ou un homme de lettres, des personnes de terrain qui font une pause pour réfléchir à ce qu’ils réalisent quotidiennement.

Quelques citations tirées du 1 :

« Le phénomène Trump s’inscrit-il dans une tendance mondiale de montée du populisme réactionnaire ou diriez-vous, après deux ans de présidence, qu’il s’explique d’abord par des spécificités américaines ?

Dick Howard [1]: Les deux éléments sont compatibles. J’ai d’abord pensé que les institutions américaines résisteraient à la présidence Trump. Mais, après Charlottesville [ville de Virginie où, lors d’un rassemblement de suprémacistes blancs, le 12 août 2017, un néonazi a foncé avec son véhicule sur des contre-manifestants, tuant une jeune femme et blessant plusieurs personnes] et, au vu de la réaction de Trump [qui a renvoyé les deux camps dos à dos], j’ai recommencé à croire au retour du filon raciste dans la politique américaine. Il ne faut pas oublier que Trump est le premier Président des États-Unis élu d’abord pour être un blanc qui défend les blancs. Mais, au-delà du racisme, il existe un catalyseur encore plus important, c’est la puissance du ressentiment. On le constate aujourd’hui au Brésil et dans de nombreux autres pays. En fin de compte, Trump s’inscrit avant tout dans une tendance mondiale ».

« Trump a-t-il une influence réelle sur le système économique ?

Daniel Cohen [2] : « On l’a vu dans le passage du livre Fear de Bob Woodward où son conseiller économique dit avoir soustrait à la signature du président des mesures qu’il estimait dangereuses pour l’économie américaine dans un Traité avec la Corée du Sud sans que Trump s’en rende compte. Trump est à lui tout seul, un facteur de risques majeurs. Il se fâche avec les Européens qui sont ses alliés, il se retire du traité de libre-échange pacifique, offrant un boulevard à la Chine, il explique à Apple qu’elle devrait fabriquer ses iPhones aux États-Unis sans voir que cela triplerait le coût de production et tuerait la marque… Il a été élu à la faveur d’un retour de bâton de la vague libérale des années 1980 et 1990. Il est devenu le porte-parole d’une nouvelle doctrine antilibérale. L’Amérique doit certes soigner de nombreuses blessures nées de la période antérieur, notamment l’explosion des inégalités. Mais on a du mal à saisir comment Trump entend le faire autrement qu’en paroles »

Dans le 1 « Voyage en utopies », Julien Bisson [3] écrit notamment dans le chapitre « Un cauchemar nommé progrès » :  « Avec la réalisation, progressive, des projets politiques des Lumières, va s’ouvrir une nouvelle ère : les terres lointaines ont été visitées, les dragons et les licornes ont disparu, les cités d’or de Cibola, de Xanadu, l’île d’Avalon ou le royaume du prêtre Jean n’ont jamais été trouvés. Avec l’exploration méthodique, scientifique du monde, c’est une part de l’imaginaire utopique qui est vidé de son sens (…).

Aux utopies statiques conçues jusque-là, utopies d’un monde exemplaire et éternel, vont alors succéder des utopies dynamiques, qui se nourrissent du progrès en marche pour formuler des aspirations nouvelles, plus fonctionnelles : mobilité, instruction, hygiénisme, féminisme ou fraternité des peuples sont autant de moteurs qui cahotent parfois mais vrombissent souvent au cours du XIXe siècle (…)

Il faut dire que l’époque apprend à se méfier des utopies politiques globales, dont on commence à pressentir le caractère totalitaire. Le rêve d’un monde nouveau se heurte à la réalité de son application, dès lors que les instruments modernes permettent la planification et l’éradication des éléments imparfaits.

Et de citer l’eugénisme comme exemple : « L’hygiénisme mènent ainsi bientôt à l’eugénisme, défendu comme un projet de civilisation dans la moitié des États-Unis au tournant du XXe siècle, et jusqu’à Winston Churchill, Theodore Roosevelt et H.G. Wells – avant que le nazisme n’en soit l’apogée monstrueuse. Le rêve d’une éducation des peuples va laisser la place à la crainte de lavage de cerveaux (…) ».

Pour Noël, le 1 propose un abonnement de 12 mois pour 76 €.  Vous recevrez 49 numéros, 4 hors-série et aurez accès aux archives en ligne. Pour plus de renseignements, plusieurs possibilités : aller sur le site Internet www.le1hebdo.fr, acheter le n° de la semaine du 1 chez votre marchand de journaux, ou écrire : Le 1, 24 rue Saint-Lazare, 75009 Paris.

Jumièges, le 20 octobre 2018,

Bernard Charon

[1] / Dick Howard est professeur de philosophie honoraire à l’Université d’Etat de New-York. Spécialiste des idées politiques, auteur de Les Ombres de l’Amérique, de Kennedy à Trump, paru en français chez François Bourin Éditeur.

[2] / Daniel Cohen est économiste. Il dirige le département d’économie de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Il est aussi auteur de nombreux ouvrages, comme Il faut dire que les temps ont changé ou Chronique (fiévreuse) d’une mutation qui inquiète (Albin Michel, 2018)

[3] / Julien Bisson est journaliste et rédacteur en chef du 1 et de la revue América.